Paralysie Cérébrale et Thérapies intensives

Enjeux des nouvelles approches rééducatives

Guillaume COLLET

Kinésithérapeute Pédiatrique D.E. - Rouen

Préambule

Cette conférence a eu lieu le mercredi 15 décembre 2021, animée par Gaël EVANNO, kinésithérapeute pédiatrique à Caen et directeur adjoint du RSVA Normand.

Nous vous proposons ici le replay ainsi qu’une synthèse écrite.

Toute diffusion ou reproduction de cette présentation ou de la synthèse est soumise à l’accord préalable de son auteur.

Introduction

La précocité d’intervention en rééducation nécessite un dépistage rapide des premiers troubles, à une période de sa vie où l’enfant bénéficie d’une grande plasticité cérébrale. La littérature nous précise que cela peut véritablement améliorer la trajectoire de son développement et limiter l’expression de son surhandicap liée à l’absence de soins adaptés.

Qu’entend-t-on par soins adaptés ?

Différentes approches innovantes récentes viennent mettre en lumière de nouveaux essentiels rééducatifs dans la prise en charge de la lésion cérébrale, reposant sur les principes de l’apprentissage moteur et de la neuroplasticité.

Ils ouvrent, pour nous rééducateurs, de nouveaux horizons de pratique : de nouvelles perspectives sont ainsi offertes à nos patients. 

Sommaire

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La qualité de vie, un enjeu central

Se pose alors une question : quels moyens d’intervention peuvent s’inscrire dans une démarche éprouvée scientifiquement d’amélioration de la qualité de vie permettant d’envisager nos actions au long cours ?

En effet, depuis l’enquête ESPACE impulsée par La Fondation Paralysie Cérébrale, un autre regard est porté sur les attendus en termes de thérapies rééducatives puisqu’ils sont inspirés des retours directement formulés par les personnes concernées, enfants & adultes : “nous voulons une rééducation centrée sur nos besoins”.

Il en ressort 9 points essentiels :

  1. « les professionnels du soins (particulièrement les rééducateurs) sont souvent perçus comme isolés et non formés aux spécificités de la rééducation des personnes diagnostiquées de paralysie cérébrale ;
  2. L’absence de modulation de la rééducation selon les besoins, qu’ils soient ressentis ou avérés (en lien avec l’âge, sévérité du handicap), de la personne ;
  3. La trop faible aide apportée aux adultes sévèrement handicapés (non marchants) ;
  4. L’existence de douleurs, dans 70 % des cas, non évaluées et non prises en charge ;
  5. Une prise en compte insuffisante des troubles associés et des rééducations nécessaires (ergothérapie, orthophonie, psychomotricité) ;
  6. Une discontinuité dans les prises en charge au cours de la vie ;
  7. Une accessibilité à la rééducation inégale sur le territoire ;
  8. Des relations humaines entre rééducateur et patient jugées très insuffisantes. 
  9. Le manque de coordination autour du projet de soins

Ces résultats expriment les difficultés des usagers et leur insatisfaction concernant la rééducation et la réadaptation de la fonction motrice, dont le suivi tout au long de leur vie est affecté par de grandes disparités selon l’expérience et la densité des professionnels de santé sur les différents territoires géographiques.

Des moyens rééducatifs nombreux à l’efficacité variable

Aussi, parler de rééducation et de paralysie cérébrale, c’est se plonger dans une jungle de techniques, de méthodes, d’outils à l’efficacité plus ou moins prouvée. Pendant longtemps, les thérapies “Hands’On” ont eu une exposition majoritaire. Elles comprennent en premier lieu : 

  • les manipulations passives du patient par les mains du thérapeute, par des dispositifs externes (type Exosquelette)
  • les techniques de mémorisation basées sur la répétition

Dans ces approches on rencontre des phénomènes de désengagement ou d’habituation neurologique, ce qui limite vraiment les possibilités de progrès pour le patient.

Recommandations internationales

Créer un contexte apprenant pour l’enfant

Au coeur des nouvelles recommandations internationales et plus récemment francophones, on retrouve différentes clés rééducatives actualisées :

 

– Le but premier de l’intervention en masso-kinésithérapie est d’améliorer la fonction motrice qui a été priorisée avec l’enfant et sa famille, selon des objectifs identifiés et négociés conjointement

 

– L’activité efficiente pour l’enfant, lui permettant de faire l’expérience du contrôle postural et espérer l’apprentissage doit s’appuyer sur les principes de la tâche orientée (tâche signifiante, s’appuyant sur un engagement actif et volontaire de l’enfant, dans un environnement favorable, avec des leviers motivationnels identifiés, et une progression/répétition des situations motrices proposées)

 

– L’environnement (et son aménagement) permet de développer la compétence posturale de l’enfant et donc favorise son niveau d’engagement, au service de ses interactions avec le monde. 

La clef thérapeutique est de créer un contexte apprenant pour l’enfant.

Apprentissage moteur et neuroplasticité cérébrale

Les techniques éprouvées s’appuient donc sur les principes généraux de l’apprentissage moteur et de la neuroplasticité cérébrale. Ainsi, pour maximiser l’apprentissage moteur (et donc un gain fonctionnel certain qui viendra impacter la qualité de vie), le patient doit être :

– activement engagé dans la tâche à la fois physiquement et mentalement,

– le régime rééducatif doit être suffisamment intense,

– la pratique doit être orientée, variable et à difficulté progressive. 

On retrouve ces essentiels dans plusieurs méthodes validées scientifiquement, comme la contrainte induite ou la rééducation intensive bimanuelle avec les ingrédients thérapeutiques suivants :

  • un dosage important(plusieurs heures par jour pendant deux semaines, dans le cadre de mini-stages),
  • un temps d’engagement moteur, c’est-à-dire l’enfant actif dans des tâches utiles, qui sollicitent le corps entier au moins 80 du temps %,
  • des objectifs thérapeutiques fonctionnels, fixés sur la base des demandes des enfants et de leurs parents. Il peut s’agir d’enfiler une veste, d’éplucher un fruit, etc.,
  • des mouvements exclusivement volontaires(Le thérapeute ne touche pas l’enfant, pas de guidance ni de facilitation du mouvement),
  • une progressivité de la difficulté des tâches ou des mouvements pour induire des changements moteurs et neuroplastiques,
  • un contexte ludique, où les enfants sont motivés par des jeux, des objectifs à atteindre, des récompenses, dans un contexte bienveillant et motivant. On parle de renforcement Positif.

Une efficacité prouvée

La littérature montre que ce type de thérapie induit des changements neuroplastiques (remodelage neuronal qui s’enrichit des expériences vécues) des cartes motrices présentes dans les différentes zones du cerveau. De nouvelles aires cérébrales sont recrutées et permettent de nouveaux mouvements, du fait de la répétition et de l’apprentissage moteur dans les tâches structurées.

En conclusion

Les neurosciences évoluent à grande vitesse : il reste aux kinésithérapeutes à faire évoluer leurs méthodes de rééducation pour que l’expérience du soin investisse positivement les lieux de vie et qu’en toile de fond, cela serve la participation sociale et la qualité de vie de l’enfant qui grandit.

C’est finalement une Invitation à une pratique collaborative raisonnée, engagée et bienveillante au service de la fonction motrice et de son expression dans la vie quotidienne.

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L’Association des Kinésithérapeutes Pédiatriques du Territoire Normand

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